Mémoire de Sainte Douceline à Hyères "Où tu as vécu et prié"
A la mort de sa femme Huguette de Barjols, en 1230 et celle de son fils aîné, Bérenguier va installer sa famille à Hyères où réside son fils Hugues au couvent franciscain des Cordeliers nouvellement établi. Il est accompagné de sa fille Douceline âgée de 16 ans et de ses deux petits enfants, deux filles, nièces de Douceline. Quelles routes ont-ils pris pour aller de Barjols à Hyères ? Avec quels moments de locomotion ? L'histoire ne le dit pas. Dans la "Vida" de Sainte Douceline il est noté : "Quand la mère fut morte, ils se transportèrent à Hyères, où ils habitèrent dorénavant." page 101.
Hyères était une ville en plein essor autour de son château fortifié du XI ème appartenant aux Seigneurs de Fos avant d'être propriété des Comtes de Provence. Le château "Castrum aéranum" protégeait le village contenu dans ses murs et ses remparts. Le port de Hyères connaissait un grand essor avec un trafic commercial important reliant les villes portuaires de Gènes et de Marseille. Le commerce du sel dans les eaux marécageuses de la rade offrait une ressource considérable qui a donné le nom à la ville d'Hyères. "Castrum aéranum... hereas... aeras... aree saline... Hyères.
Bérenguier a pu développer son commerce de mercier au sein de sa corporation notamment sur la place commerciale du marché, porte de la Rade, et lors des foires animées qui se déroulaient à Hyères. La maison de Bérenguier se situe au bord de la rivière du Roubaud (toponyme lié à Douceline).





Douceline à Hyères (réf : "La Vida" p 101)
"Son père voulut qu'elle servit les pauvres qu'il avait coutume de garder dans sa maison pour l'amour de Dieu. L'excellent homme amenait les malades et les infirmes qu'il trouvait dans les rues, ou par les chemins, et disait à sa fille "ma fille, je t'amène et t'apporte du profit." Elle les recevait joyeusement et avec une grande humilité, obéissant aux ordres de son père avec un grand dévouement... Pour l'amour du Seigneur, elle leur lavait les pieds, leur tirait la vermine des jambes et de la tête, et soignait leurs plaies."
Vers 1236, à la mort de son père nommé "homme droiturier et saint", Douceline va continuer à son exemple ses œuvres de piété tout au long de ses journées. Ses nuits étaient divisées en trois parts : la prière, le repos, et les matines, avant de repartir dès l'aube au service des pauvres et des malades.

Tableau peint par "Marguerite", dans l'église du Pyanet à Hyères dédiée à Sainte Douceline
Influence du frère de Douceline Hugues de Digne
Hugues a 10 ans de plus que Douceline. Il est considéré comme "un des plus grands clercs du monde" selon le chroniqueur franciscain Salimbene et "l'homme fort de franciscanisme provençal. Il devient frère mineur, "Cordelier", en habit de bure brune et grossière, dans les pas de François d'Assise son maître, dont l'esprit à traversé la Provence dès 1213. Grand savant, fin lettré, il aurait fait ses études à Montpellier et Paris, orateur hors pair, "sa prédication fut luisante et échauffante comme le soleil, car elle amenait merveilleusement les hommes à servir Dieu et à quitter le monde." Réf "La Vida" p 100.
Quand il arrive à Hyères il est admis au couvent des Cordeliers qui vient de s'implanter. Jouxtant le couvent, se trouve une église surement dédiée à Saint François, à l'emplacement de l'actuelle église Saint-Louis de Hyères. C'est cette première église qui a sans doute reçue la visite du rois Louis IX, Saint-Louis, en 1254.
Petit rappel. A son retour de sa 7ème croisade, Saint-Louis a vu son armée décimée par la peste. Il a été fait prisonnier et libéré sous énorme rançon. Après 6 ans d'exil, 10 semaines de mer, il rentre sur ses terres et va accoster sur la plage de Hyères à l'Ayguade. Le roi est quelque peu découragé par ses échecs et fait mander cet homme a la réputation de sainteté Hugues de Digne. Ce dernier va le sermonner, visant sa cour de religieux qui le suivaient "Moines hors de leur cloître péché mortel, pas plus que poissons hors de l'eau !" fustigeant leur mode de vie royal et non frugal. Il dispensera aussi au roi des conseils, comme s'occuper de son peuple, des pauvres et d'assurer dans son royaume la justice pour y amener la paix, et d'autres conseils et leçons "Dont à vrai dire, chacun pouvait bien faire là son profit !" Il a eu cette formule :"Nul de peut être roi, s'il n'est roi de lui-même !"
Hugues de Digne : un homme rigoureux et rayonnant dans les pas de son inspirateur François d'Assise. Douceline lui vouera une ferveur et une admiration toute sa vie. Il décède discrètement vers 1256.




"L'homme du treizième siècle était joyeux, soulevé par l'espoir, confiant dans la vie (Daniel-Rops). La vie était simple, cohérent comme cette église, l'actuelle église de Saint-Louis d'Hyères, robuste, sans ornement, droite et haute..." Réf : Livre du Père Claude Thoumyre - Page 65.
Visitation et vocation de Douceline à Hyères
A Hyères, il y avait une léproserie ou "Lazaret", puis l’hôpital Saint-Jacques qu'on appelait "l'hospice de la Miséricorde", en face de l'actuelle église Saint-Louis, anciennement Saint-François, du temps du couvent et de l'église des Cordeliers où résidait Hugues de Digne. A la mort de leur père en 1236, Douceline sera sous sa protection et se donnera toute entière au service des pauvres et des malades avec une grande compassion. On imagine les liens unissant le frère et la sœur dans leur service à Dieu "dans la simplicité et l'humilité".
Selon la Vida (p 105, 106, 107) : "En ce temps-là, il n'y avait point de établissement des Béguines, et en Provence on n'en entendait pas parler. Et il lui arriva à Hyères une grande merveille. Un jour jour elle revenait avec trois autres d'un hôpital qui est à Hyères, un peu en dehors du château. Et comme elles s'en retournaient après avoir visité les pauvres et achevé de servir les malades, la visitation de Dieu vint au-devant d'elles... Voilà que tout d'un coup leur apparurent dans le chemin deux humbles dames, qui se ressemblaient, et qui marchaient très modestement, la figure couverte de voile et toile blanche.... Elles conduisaient avec elles une petite fille qui les suivait. Quand la sainte femme (Douceline) les vit, elle fut remplie d'une allégresse merveilleuse, et toute pleine d'ardeur, elle leur demanda qui les étaient, et de quel ordre. Alors, toutes les trois posèrent sur leurs têtes le manteau qu'elles portaient, en disant : "Nous sommes, dirent-elles de cet ordre qui plaît à Dieu." ... "Prends ceci, et suis nous." Aussitôt elles disparurent, et on ne put savoir ce qu'elles étaient devenues. La Sainte, éclairée par l'esprit de Dieu, comprit aussitôt ce qu'était l'invitation qu'elles lui avaient faite de la suivre, et elle se proposa fermement, de préférence à toute autre, de prendre cette forme de vie, et de suivre leur exemple..."
Son frère Hugues confirmera cette vocation, et donnera son accord pour qu'elle adopta cette forme de vie.
"...Quand le saint religieux eut été soigneusement informé par elle, et qu'il connu son intention, Il ne voulut pas qu'elle rentrât dans un autre ordre... Puis, remplie de ferveur et d'amour pour Notre Seigneur, elle plaça le manteau sur sa tête comme un signal de la passion du Jésus-Christ... par respect et à l'exemple de la mère de Dieu qui, disait-elle, après la passion de son fils eut constamment le tête couverte de son manteau... Et la sainte femme, tant qu'elle put, se conforma ) elle, et ordonna toute sa vie sur celle de Notre-Dame, et se régla sur ses exemples, avec le conseil de son frère...'
Beaucoup suivirent son exemple, 131 personnes et bien plus encore.
"... Et la sainte mère voulut être appelée béguine, par amour pour Notre-Dame, qui était son modèle ; parce qu'elle disait que Notre-Dame fut la première béguine, comme nous croyons qu'elle l'apprit par révélation de Dieu. Notre Seigneur... et comme la mère de Dieu fut pauvre en ce monde, pour l'amour d'elle, elle voulut être dite pauvre, et vivre pauvrement. Et la sainte mère fut en Provence la première béguine, et elle fut l'origine de toutes celles qui prirent ce nom."
C'est donc à Hyères vers 1240, que Douceline fonda le premier institut de Béguines "Les Dames de Roubaud", à la suite de cette "Visitation".




"L'estament" : l'établissement fondé par Douceline
A suivre...
Bénédiction de l'icone de Douceline dans l'église du Pyanet à Hyères
par le Père Pierre Mouton




Sainte Douceline est devenue la sainte patronne de Hyères. L'église de Sainte Douceline du Pyanet construite en 1970 lui est dédiée. Gratitude au Père Pierre pour cette attentive bénédiction du 23 mars 2025.