DES FEMMES INSPIRÉES DU MOYEN ÂGE... 

Les mots étaient Lumière, On n'a pas su brûler la Lumière. 

 Christian Bobin - "La part manquante"





Pour les présenter, quelques mots poétiques... 


« Elle nous reste proche par son amitié pour les arbres, 

les oiseaux, les fleurs...

son art de s'abstraire...

de survoler la vulgarité des choses...»

Extrait « Vie de Sainte Douceline » - 1ère Béguine de Marseille  

« Je suis chair de femme

Me faire taire,

C'est faire taire la Terre... »

***

« Une femme qui se nourrit... du grain même de la vie...

une femme qui est ma sœur et peut-être la vôtre... »

Charlotte Jousseaume « Et le Miroir brûla »

Inspiré du livre de Marguerite Porete, béguine de Valenciennes


« La Terre nous connaît mieux que nous même disait-elle. 

Elle est bienfaisante et loquace. 

Chacune de ses manifestations recèle une multitude de signes. 

Il faut apprendre à être attentive.»

Aline Kiner « La nuit des Béguines »

Celles qui ont marqué l'histoire des béguines...

Hadewijch D'ANVERS 

1200-1260

Douceline de PROVENCE

1214-1274

Marguerite PORETE

 1250-1310

Tout comme pour Marguerite Porete, il reste peu de traces personnelles d'Hadewijch si ce n'est ses écrits. La qualité et la délicatesse de son écriture montrent qu'elle appartenait sans doute à l'aristocratie. 

Sa correspondance et son œuvre littéraire nous plonge au cœur de l'effervescence d'un renouveau religieux, le mouvement béguinal. Maints détails de son œuvre laisse entrevoir que Hadewijch fut une Béguine, c'est à dire une laïque qui sans aucun vœu de stabilité consacrait sa vie à Dieu... Elle aurait porté le titre de "grande maitresse" (vision 1.193)

L'œuvre d'Hadewijch comprend : Les Visions, les lettres, des poèmes strophiques et des mélanges poétiques. 

Les visions sont de petits écrits didactiques relatant l'expérience spirituelle d'Hadewijch et sont écrites dans le but d'encourager ses compagnes à persévérer dans la recherche inlassable de l'amour.


Les Lettres au nombre de 30 sont de factures variées. On y trouve de véritables correspondances, mais aussi des dissertations. Elles sont à rattachées au rôle de directrice spirituelle tenu par Hadewijch. Elle y transmet un enthousiasme tout en fondant l'authenticité de son autorité. 

Les Poèmes Strophiques s'inspirent de la poésie amoureuse et courtoise tout en s'en démarquant.

Les Mélanges poétiques sont des lettres rimées. Moins directement personnels que les Poèmes ils sont davantage des exhortations à vivre selon l'amour.

Hadewijch est dévorée par le feu de l'amour. Pour cette femme de feu "Amour est tout". 

Le mot amour qu'elle reprend à la littérature profane désigne aussi bien l'expérience de rencontre avec le prochain qu'avec Jésus Crist lui même.

"Je m'interrogeais et me disait sans cesse : qu'est l'amour ? Qui est amour ?.. (visions 2 19.20). A propos de Hadewijch il est pertinent de parler d'une "mystique de l'amour" sans pour autant la séparer de l'essence ou de la sur-essence comme on la trouvera chez Eckart. Vivant dans un brasier incandescent, elle subit les assauts tumultueux de l'amour. 

Comme chez Marguerite Porete, la relation entre l'amour et l'âme ressemble à un combat  mais seul celui qui remet les armes laisse Dieu entièrement œuvrer en lui. La vraie liberté de l'âme se conquiert en étant soumis totalement à l'amour "Soumet moi afin que je puisse te vaincre !"

"Lorsque Amour envahit l'âme, il  la berce de joies ineffables et elle se croit privilégiée et promise à d'indicibles plénitudes. Ainsi Amour nous emprisonne en ses nœuds. puis vient Raison, la rigoureuse, imposant de nouvelles œuvres de réparation : bien vite est brisée l'ivresse première." (poèmes XIX, 12)

Dieu se présente comme un amant tantôt attentionné et proche, tantôt indomptable et lointain et provoquant tour à tour l'embrasement et l'alanguissement. Telle est bien la spiritualité des Béguines : la perméabilité la plus grande entre le sacré et le profane. La vie spirituelle n'est plus réservée à quelques uns mais ouverte au plus grand nombre.

La mystique d'Hadewijch s'enracine dan la tradition théologique et spirituelle de l'occident. Influencée par Bernard de Clairvaux et Guillaume de Saint-Thierry, elle reçoit l'héritage de Saint-Augustin.

L'amour du Verbe incarné la conduit à mettre en valeur les sacrements et particulièrement l'Eucharistie. 

La communion ouverte à tout fidèle est particulièrement le lieu privilégié où se vit l'union "sans différence" (visions VII). Dévoilant sa propre vie spirituelle elle convie chacun à s'engager à son tour dans une vie ou "Amour est tout".

Issue d'une famille de négociants très attentive au sort des pauvres. 

Lorsque sa mère mourût, elle prit sa place auprès des miséreux. "Son père voulut qu'elle servit les pauvres qu'il avait coutume de garder dans maison pour l'amour de Dieu. " Lorsque son père mourut, elle continua ses œuvres de miséricorde jusqu'à ce qu'elle prit l'habit de conversion.

Ainsi au retour d'une visite à l'hôpital d'Hyères survint la découverte d'une autre forme de vie : celle des Béguines, alors inconnue en Provence. "La visitation de Dieu vint au devant d'elles... voilà que tout à coup leur apparurent sur le chemin deux humbles dames qui se ressemblaient et qui marchaient très modestement la figure couverte de voiles de toile blanche et avec un grand air d'honnêteté. Quand la sainte femme les vit, elle fut remplie d'une allégresse merveilleuse et toute pleine d'ardeur elle leur demanda qui elles étaient et de quel ordre. 

Alors montrant leur voile elle dirent : prends ceci et suis nous. Aussitôt elles disparurent et on ne put savoir ce qu'elles étaient devenues." Désormais Douceline voulue être appelée Béguine par amour de Notre Dame qui est son modèle.

A Hyères vers 1240, Douceline fonde un institut de vie laïque : les Dames de Roubaud, conforme a la visitation surprenante qu'elle disait avoir vécue. 

Phillipa de Porcelet, une de ses disciples, témoigne dans la rédaction de "li vida de la benaurada sancta Doucelina" la vie de la bienheureuse Sainte Douceline. (1310 - 1320). C'est la plus ancienne pièce en prose d'importance écrite en Provence, dans un climat franciscain.

Le cours de sa vie prend alors une double configuration : celle de la course sous forme de projections, ce qui se traduit par de multiples prédictions, anticipations que l'on nomme l'"esprit de prophétie". C'est le moment fort où la personnalité de Douceline se dégage et s'assume, en anticipant sur le futur mais en prenant aussi sa part de responsabilité du rôle de fondatrice sans cesse insatisfaite. Ensuite par une nouvelle configuration l'affermissement de la personnalité  se passe lorsque Douceline se projette vers la hauteur, la verticalité ce qui constitue son mode extatique proprement dit.  la forme la plus achevée de son existence.

Mais ce mode extatique comme mode par excellence du pouvoir entendre, voir, et dire la Parole dans toute sa force, c'est aussi ce qui laisse apparaitre la source cachée, la condition de possibilité profonde de l'incident de parcours initial. 

L'extase est une rupture, comme un "salto mortale". Cependant elle n'est pas que ca, Phillipina de Porcelet rappelle qu'une fois revenue à elle, elle est capable de s'occuper avec pertinence et vivacité de tous les aléas de la vie quotidienne et de la bonne marche de sa communauté.

Un tel mode de vie béguinal, alors nouveau en Provence, cette manière de vie religieuse tout en conservant une existence laïque, implique aussi un changement d'esprit concernant le mode de vie des femmes.

Douceline est très sensible au monde végétal et animal. Si une fleur, un fruit, un oiseau rencontre en elle sa musique intérieure, cette rencontre est suffisante pour déclencher une extase... "elle avait un si grand et fort sentiment d'amour pour Notre Seigneur, qu'elle paraissait n'avoir plus une seule pensée pour ce monde. Si elle était à table, occupée à manger et qu'on lui apportait une fleur, un oiseau ou un fruit,.. elle entrait immédiatement en extase et s'élevait vers celui qui avait crée ces êtres. Rien ne pouvait la troubler dans ce sentiment qui la pénétrait car la grâce de l'Esprit Saint remplissait et inondait son âme et l'amour de Dieu l'embrasait toute entière et la purifiait". Ce qui fait songer à François d'Assise et Claire d'Assise. "En quelque endroit qu'elle fût, lorsqu'elle entendait parler de Dieu, elle entrait en extase"...

"Parfois elle ne pouvait plus en revenir tant elle était fixée. Ses sœurs redoutaient beaucoup qu'elles ne la perdissent de la sorte ; car son corps, qui était affaibli par la longue pénitence qu'elle avait faite, ne pouvait porter la grande force de l'Esprit".

De Marguerite PORETE on ne sait rien si ce n'est qu'elle fut béguine et qu'elle est originaire du Hainaut, peut-être de Valenciennes. Elle n'existe en quelque sorte que par son livre : "Le Miroir.." qui exprime son expérience spirituelle et connut de multiples tribulations dès sa parution vers 1290. 

Défendu par le franciscain Jean de Queyran, par les théologiens Godefroy de Fontaines et Dom Franco du brabant, le Miroir fût soupçonné d'hérésie et condamné en 1300 par l'évêque de Cambrai et brûlé en 1306 sur la place de Valenciennes. 

L'hostilité à l'égard de cet ouvrage semble reposer sur un malentendu :

"Là ou Marguerite parle de dépassement de la vertu et de la morales, ses juges lisent une opposition à la vertu ; 

là où elle parle de l'union à Dieu, ils lisent une identification à Dieu ; 

là où elle parle de paix intérieure, ils lisent un nihilisme pervers 

là où elle parle d'adorer Dieu en esprit et en vérité, ils comprennent le reniement sacrilège des institutions Chrétiennes" 

Forte de son expérience de l'amour de Dieu, Marguerite refuse d'en modifier les termes. Soupçonnée d'avoir un lien avec la secte du Libre Esprit et avec les adamites, elle est emprisonnée, puis brûlée en 1310 à PARIS en place de Grève.

Son ouvrage est redécouvert en 1867 et publié pour la 1ere fois en Anglais en 1927.

Comme d'autres Béguines de son époque Marguerite écrit en langue populaire. Elle utilise le vocabulaire amoureux de la littérature courtoise tout en inventant une prose personnelle pour servir sa doctrine mystique

Son ouvrage se divise en 139 chapitres traitant des diverses étapes sur le chemin qui conduit à Dieu et des états d'âme qui y correspondent. Il s'adresse ainsi au "simples âmes" qui se laissent anéantir dans leur volonté naturelle uniquement tournée sur elle même par une connaissance englobante de soi et de Dieu. 

A cette fin Marguerite propage sa doctrine d'amour qui trouve son expression la plus pure dans le concept et la métamorphose du "pur Amour".

Aussi elle décrit toutes les étapes de l'âme qui fait l'expérience de Dieu : "Cette âme ne sait qu'une chose, c'est qu'elle ne sait rien ; et elle ne veut qu'une chose c'est qu'elle ne veut rien. Et ce rien savoir et ce rien vouloir lui donnent tout et lui donnent de trouver le trésor secret et caché qui est perdurablement enclos dans la trinité (Miroir chap. 42)

Elle montre que par l'abandon, l'âme est non seulement divinisée mais encore qu'elle est introduite en la vie même de la trinité et se voit "transformée en Dieu" (chap. 170)

L'anéantissement, la sortie de soi sont la condition préalable à l'union à Dieu. Mais ils ne suffisent pas !! ils doivent être animés par la grâce et l'amour qui permettent un don authentique et un dépassement de soi. 

La didactique du Miroir prend la forme d'un débat divers interlocuteurs fictifs, allégoriques des vertus morales et intellectuelles mènent la discussion.. 

Le lecteur participe donc à un dialogue intime de l'âme avec son ami ou époux divin..

Parmi ses contemporains, c'est le théologien dominicain Maitre Eckhart qui fit le plus perdurer ses pensées. 

Il transpose ses thèses en établissant avec elle une sorte de dialogue entre la tradition de théologie vernaculaire des Béguines et les traditions spéculatives.


Source : "LES FEMMES MYSTIQUES" Histoire et dictionnaire. Sous la direction d'Audrey Fella

Retranscription par Muriel-Raphaëlle

Les béguines, libres et audacieuses

Photos du Béguinage de Bruges en Belgique

Marcella PATTYN s'est éteinte le 14.04.2013 en Belgique. Elle était la dernière des béguines dans le monde. Elles furent pendant plusieurs siècles et avec une discrétion originelle des femmes dévotes et indépendantes. Le mouvement apparaît dans l'Europe du nord, dans une période d'effervescence religieuse, ces femmes ne veulent pas choisir entre mariage et vie religieuse. Ferventes elles veulent vivre leur foi sans prononcer de vœux religieux. Ni épouses, ni nonnes, issues de milieux sociaux divers, elles occupent une place particulière dans la société, souvent au service des hospices. Elles se partagent entre la prière et les œuvres de charité. financièrement indépendantes elles peuvent résider soit dans leur propre maison, ou dans ces Béguinages groupement de maisonnettes qui assurent une certaine sécurité et une relative solitude avec des parties communes. Les Béguinages sont souvent clos sur un vaste terrain leur garantissant la tranquillité. Leur architecture particulière a conduit au classement par l'Unesco de certains Béguinages au patrimoine mondial de l'humanité. Cette forme d'indépendance vient bousculer l'ordre ecclésial : " Ces femmes qui cherchent par elle mêmes la voie du salut inquiètent les théologiens et l'église en général qui n'a pas le contrôle de ce mouvement insaisissable et multiple" souligne Sylvana Pancièra. Et si le mouvement est né sans fondatrice identifiée, il gagna une bonne partie de l'Europe grâce à la diffusion d'écrits dont la richesse spirituelle est reconnue encore aujourd'hui.

Source : Extrait d'un article de Christophe Henning publié dans "Spiritualité et religion

et relatif à l'ouvrage de Silvana Pancièra "Les Béguines une communauté de femmes libres" 2021


Les grandes lignes du contexte économicopolitique du 11ème et 12ème siècle dans lequel naît le mouvement !

A partir du 11ème il y a un grand essor démographique et économique, les villes prennent de l'ampleur et voient naître une nouvelle classe sociale issue du commerce : les bourgeois. Un nouveau rapport à l'argent s'installe et la richesse matérielle est une préoccupation quotidienne. L'église admet les richesses mais place la pauvreté plus haut.

La société féodale aux 3 états (noblesse, clergé, paysannerie) ne couvre plus la réalité. Beaucoup de serfs libérés affluent vers les villes en état de misère..

De même beaucoup de femmes ne veulent plus mener une vie sous tutelle masculine. Au 12ème s'affirme clairement le principe que le mariage se fonde sur la volonté des 2 conjoints. Une ligne de rupture s'installe alors entre l'Eglise et les femmes car le christianisme est le fruit d'une société patriarcale qui donne peu de rôle aux femmes.

Le 12ème est aussi caractérisé par une effervescence religieuse d'une grande ampleur. Une nouvelle soif de Dieu s'empare des hommes et des femmes. cette exaltation spirituelle pourra les conduire soit vers l'hérésie, soit vers des ordres monastiques ou de nouveaux chemins spirituels.

Tous les niveaux de la société vont subir une restructuration et la technologie (comme les moulins à eaux) va s'en mêler en libérant la femme de longue heures de travail, par exemple.

Petits extraits de l'ouvrage "? Les béguines" de Silvana Panciera

Retranscription par Muriel-Raphaëlle

Marguerite Porete 

"Une Vie, une Œuvre : Miroir des simples âmes anéanties..."

Béguinage de Bruges
Béguinage de Bruges
Le livre du Miroir des Âmes Simples
Le livre du Miroir des Âmes Simples
Marguerite Porete sera brûlée vive...
Marguerite Porete sera brûlée vive...

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Les béguines ont montré un chemin audacieux pour leur époque. (XIIème et XIIIème)

Elles auraient dû écouter et non émettre... Elles étaient en avance sur les mots. Les mots étaient Lumière. Elles échappaient au mariage et à l'église. Elles quittaient le système, le conformisme. Elles étaient profondément mystiques et libres ; Maître Eckhart, Jean de Ruysbroeck se sont inspirés de leurs écrits.

Elles se consacraient aux soins, auprès des malades, des enfants et dans les hôpitaux. Chez les Béguines les plus cultivées, on remarque un sens aigu de la littérature patristique, une capacité de concentration, et une connaissance bouleversante.

Selon Claude Louis Combet, traducteur du livre de Marguerite Porete « Le Miroir des âmes simples et anéanties...». Ces femmes cherchent à se soustraire à l'action du clergé, pour expérimenter une vie spirituelle plus libre, plus personnelle. Parfois veuves suite aux croisades, ou sans ressources... elles ont développé des activités artisanales pour garantir leur protection. 

Origine du mot béguine. Hypothèses :

***organisation communautaire de femmes qui restaient laïques, se regroupant pour pratiquer la spiritualité, ayant des activités pratiques et « secourantes. » On a les premiers témoignages de leur présence dans le Brabant en 1207.

*** Se seraient elles revendiquées de Lambert le Bègue, proche de Liège au XIIème siècle, ? mais cela ne colle pas au niveau des dates.

*** de Sainte Bègue ? Attestée seulement au XVème siècle, d'où postérieur aux béguines.

*** Le mot dériverait-il du mot beggard en néerlandais qui signifie mendiant du verbe begg= mendier ?

*** Le plus probable : associé au mot albigeois... les al...bégins... les beguins... ?

voir suite du texte dans le fichier pdf à télécharger...


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Pour l'église, ces âmes profondes, libérées, libres, apparaissent comme un danger... comme sorcières, pouvant garder l'autorité pour elles-mêmes, libérées de Dieu. Danger de perte de la forme ; les « formes » que sont les religions s'estompent.

A un moment, le livre du " Miroir " de Marguerite Porete n'est plus nécessaire... on ne peut plus en parler, on est dans l'Expérience : seul règne le Silence, appelé Dieu : Le loin-Près !

Qu'est ce que cette expérience en l'Esprit ?

Réf : Bernard de Clairvaux au XIIème. Il est dans sa cellule, portes fermées et closes. Il sent que « quelque chose » est là. Comment il le perçoit ? à la douceur ressentie, sensation de Paix qui l'anime... comme pour les pèlerins d'Emmaüs (comme le décrit aussi Motovilov face à Saint Séraphin). 

Douceur de la Présence dans l'instant... 

Marguerite fut condamnée pour hérésie en 1310. Voir les Actes de son procès.

Au Concile de Vienne en 1312 furent aussi condamnés Maître Eckhart, les membres du Libre Esprit... Sur 17 extraits du Miroir cités, trois furent condamnés comme hérétiques, souvent détachés de leur contexte.

Les docteurs en Sorbonne ont accusé des traits du texte souvent séparés du contexte ou qui pouvaient être contrebalancés par d'autres aspects traités, détournant ainsi le courant de la pensée. Ceci par abus d'un pouvoir intellectuel, et d'un manque d'expérience dans le domaine mystique. Alors que la spiritualité du béguinage s'inscrit dans les Pères grecs comme Pseudo-Denys ou Grégoire de Nysse...

La rédaction du Miroir s'est faite vers 1280. Il paraît en 1290. Il est brûlé en 1308. Marguerite Porete montre son opiniâtreté à le défendre malgré une première condamnation en 1300. 

Condamné à nouveau en 1306, par des tribunaux ecclésiastiques l'affaire devenait aussi politique. Marguerite va essayer de correspondre avec les plus grands notables espérant qu'on va comprendre son texte. Des spirituels défendent aussi Le Miroir.

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Elle sera condamnée à être brûlée vive le 1 juin 1310 en place de Grève, sous le règne de Philippe Le Bel. Certains pleuraient en la voyant... si noble, déterminée, forte...

Ce qui lui a été reproché : la prétention supposée d'une appréhension de Dieu sans intermédiaire ! Sans intermédiaire, comme deux amoureux enfin seuls ! Tous les mystiques éprouvent un apprentissage modal, donnant une liberté absolue. C'est le Christ qui vit en moi ! nous dit Saint Paul. Le seul mode : ne plus en avoir. Liberté retrouvée ; cette Âme est suprêmement libre.

Pour l'église du Moyen-Âge, la femme qui n'est plus dans l'ombre de l'homme pose problème. L'église n'a jamais aimé ça, d'où : hostilité, condamnations et excommunications. Ainsi le concile de Vienne, 1311-1312 se montra extrêmement dur avec notamment l'ordre du Temple (aboutit à sa suppression...) et aussi pour la secte du Libre Esprit. L'évêque de Valenciennes (ville de naissance de Marguerite dans le Hainaut) se montra particulièrement dur. Le cultuel devait pactiser avec le temporel, d'où de nombreuses compromissions... Le concile de Vienne interdira aussi les béguinages...

Marguerite s'exprimait : « cette œuvre est l'affaire de Dieu qui œuvre en moi »

Elle parlait de la petite église, celle de l'église officielle, des notables, des clercs, des théologiens... qui ne peuvent entendre... et de Sainte Eglise la Grande ; celle des purs, des initiés, visionnaires... On ne se comprend pas, parce que ce n'est pas le même niveau : scolastique d'un côté... fine Amour, entrée du bien Aimé pour l'autre.

Les grands mystiques apparaissent fous car ils détiennent la clef de la profondeur, de la dimension intérieure... ouverture à l'Amour !

Claude Combet, traducteur du Miroir explique que s'il s'est attaché à cet ouvrage c'est qu'à sa lecture il sentait une effusion d'une beauté tout à fait transcendante. Il se dit scandalisé qu'un texte d'une telle beauté soit complètement ignoré.

Cet ouvrage dévoile l'ardeur de ce que le Moyen-Âge nous a légué de plus beau dans les romans courtois.

Retranscription partielle par Viviane-Marie


Les Béguines profondément mystiques, ancrées mais libres !

Marie-Madeleine DAVY, née au Ciel le 01/11/1998
Marie-Madeleine DAVY, née au Ciel le 01/11/1998

Je me suis beaucoup intéressée autrefois au XIIème siècle, et par la même aux Chartreux et aux Cisterciens. Et puis il m'a semblé,  que dans les communautés actuelles,   qu'il était très difficile d'arriver à opérer une percée, à travers un système. Et qu'il y avait dans les communautés, et c'est parfaitement normal, un système c'est-à-dire une discipline , un type d'ascèse et que le danger était exactement celui-ci, un certain conformisme à quelque chose...c'est-à-dire qu'on ne respectait peut être pas assez les différences de mentalité et de vocation propre et que l'homme, l'individu n' était pas toujours capable d'opérer une percée...soit parce qu'il n'a pas conscience de la nécessité de cette percée, ou alors parce qu'on lui représente que c'est un danger et que ça vient de son orgueil ou de sa vanité.

Et je me suis intéressée très tôt  aux Béguines...pourquoi ? Parce que les Béguines sont des femmes profondément religieuses, profondément ancrées sur l'unique nécessaire mais libres !

J'ai visité quelques béguinages, mais j'ai surtout étudié les textes des Béguines et en particulier ceux d'Hadewijch et de Marguerite Porete. J'ai été séduite. J'ai compris, d'après les études de Dom Porion un chartreux, que ces femmes avaient beaucoup aidé les hommes tels que, Eckhart ou Ruysbroeck, à prendre conscience de l'essentiel.

Or, que faisaient ces femmes ? Elles travaillaient, elles assumaient leur existence : comment ? très simplement à faire parfois de la lessive, à élever des enfants, à s'occuper des vieillards, à aller dans les hôpitaux voir des malades.. Elles avaient certainement une influence masculine, mais pas autant que dans les monastères où l'aumônier avait un rôle de premier plan...

Et là, chez les Béguines, ces femmes qui étaient cultivées, plus ou moins, qui avaient le sens de la littérature, de la pensée latine, des Victorins, de Guillaume Saint Thierry, de Saint Bernard de Clairvaux, etc.... elles arrivaient grâce à leur liberté, leur concentration, leur dimension de profondeur à avoir une connaissance d'une réalité que je dirai bouleversante !

Témoignage de Marie-Madeleine DAVY (retranscription)

Marguerite Porete - "Une Vie, une Œuvre : Miroir des simples âmes anéanties..." (France Culture, 1991)